Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

tregor

  • La Bretagne de Patrick Poivre d'Arvor

    La Bretagne de Patrick Poivre d'Arvor

    Mots clés : PPDA, Bretagne, Côtes d'Armor

    Par Patrick Poivre d'Arvor
    23/07/2010 | Mise à jour : 18:19
    Réagir
    Le château en granit rose de style néomédiéval posé sur l'îlot de Costaérès illustre de nombreuses cartes postales de Ploumanac'h. (Stephan Gladieu/Le Figaro Magazine)
    Le château en granit rose de style néomédiéval posé sur l'îlot de Costaérès illustre de nombreuses cartes postales de Ploumanac'h. (Stephan Gladieu/Le Figaro Magazine)

    La Bretagne des grèves et des landes n'a plus de secret pour cet amoureux du Trégor et de ses environs. Selon l'écrivain journaliste, qui aime s'éloigner du tumulte médiatique parisien pour retrouver les Côtes d'Armor, la terre de ses ancêtres est également un phare culturel et artistique qui éclaire toute la France.

    Le 1er mai 1847, Gustave Flaubert quitta Paris avec son ami Maxime Du Camp pour entreprendre un voyage en Bretagne, se promettant d'écrire un journal de bord qu'ils intitulèrent Par les champs et par les grèves. Quand ils arrivèrent dans le Trégor, Du Camp écarquilla les yeux:« Sauf la route stratégique, on ne trouvait guère que les chemins creux surplombés par les haies dont les ronces et les clématites s'entrelaçaient autour des houx, pur langage celtique ; maigre bétail, culture enfantine, bourgades délabrées, insouciance, superstition, misère... » Quel tableau ! Merci pour l'inculture, le délabrement et la misère ! Cent soixante-trois ans plus tard, j'aurais bien organisé un nouveau voyage pour nos deux amis qui, entre-temps d'ailleurs, se brouillèrent après un périple en Orient. Ils y verraient que dans cette avancée extrême de l'Occident européen, on a beaucoup bougé. Le bétail s'est remplumé, un peu trop d'ailleurs au goût des écologistes qui lui reprochent de déverser son lisier dans les rivières et donc dans la mer, d'où les algues vertes... Ils y découvriraient également que les chemins creux sont devenus autoroutes, routes à quatre voies ou lignes de TGV. Ils y apprendraient surtout que la culture bretonne, loin d'être enfantine, ou bécassine, y est aujourd'hui très riche.

     

    PPDA à Concarneau.(Stephan Gladieu/Le Figaro Magazine)
    PPDA à Concarneau.(Stephan Gladieu/Le Figaro Magazine)

    On ne peut en revanche reprocher à l'auteur du Dictionnaire des idées reçues d'avoir été saisi par « le pur langage celtique ». En ce début du XXIe siècle, il est toujours inscrit dans la mémoire de mon Trégor, un paysage à nul autre pareil, où galopent légendes et onirisme au milieu des bruyères, des fougères, des ajoncs et des genêts.

    C'est là, entre Trégastel et Ploumanac'h, qu'un peu avant la Révolution des marins pêcheurs y bâtirent une petite maison dans laquelle j'ai élu domicile depuis une trentaine d'années. Je l'ai baptisée Crech Maneger Noz. Crech, parce qu'elle est située sur un chaos de rochers roses issus d'une des nombreuses secousses telluriques que connut la Bretagne. Et Maneger Noz parce que cela évoque « le lutin qui brouille le crin des chevaux la nuit ». Un lutin qui court les landes et les grèves, à la nuit tombée, comme les korrigans, les célèbres feux follets de chez nous. Ils sont partout, seuls ou en groupe, serviables ou facétieux, mais toujours présents. Ces gnomes espiègles ou vifs ont une allure humaine, mais ils sont de toute petite taille. On ne les repère pas facilement entre menhirs et dolmens ou dans les sous-bois. Peu actifs en hiver, les korrigans se calfeutrent sous terre ou au creux des arbres. Aux beaux jours, ils deviennent plus familiers, effrontés, sans cesse disposés à taquiner l'incrédule. Certains se glissent même dans les maisons pour y faire des farces à leurs occupants, voire les effrayer. A mon avis, ils ont dû bien se moquer de Flaubert et Du Camp...

    Soumise au grand flux d'ouest comme aux forces cosmiques, la Bretagne est un pays de légendes, entre rêve et réalité. Au fond, le roi Arthur et ses chevaliers de la Table ronde sont toujours parmi nous. Que recherchaient-ils? Le Graal, cette coupe d'émeraude sans âge qui servit à la Cène et dans laquelle Joseph d'Arimathie recueillit le sang du Christ expirant sur la Croix. Le conseiller et ami du jeune roi, Merlin l'Enchanteur, magicien bienveillant des légendes celtes, fut à ce point aimé de la fée Viviane qu'elle en perdit la tête. Forte des sortilèges appris de la bouche même de Merlin, elle l'envoûta à la fontaine de Jouvence, après avoir rajeuni ses traits. Puis elle l'emprisonna pour l'éternité dans neuf cercles magiques durs comme le roc. Et voilà pourquoi la Bretagne est éternelle...

    La Bretagne, et singulièrement le Trégor, au nord des Côtes-d'Armor - naguère Côtes-du-Nord -, envoûte le voyageur (sauf s'il est atteint de bovarysme) par le spectacle de ces furieuses épousailles de la mer, en général agitée, et de la côte, en général déchiquetée. Tout au long des grèves trégoroises, entre Plestin et Paimpol, on raconte encore que le chant mélodieux et le long corps dévêtu des sirènes, à la blonde chevelure entremêlée d'algues, captivent toujours pêcheurs et matelots. Elles les entraînent sous la mer, vers leur palais de corail et de diamants où ils se noient. D'où la multiplicité de calvaires qui, sur nos côtes et nos chemins, tendent leurs bras vers le ciel en implorant son pardon. Les Bretons entretiennent un rapport très étrange avec la mort, fait de respect mais aussi de proximité. Dans le Trégor, un grand nombre de rites sont liés à l'idée du passage. L'Ankou, ce funèbre personnage représenté par un squelette armé d'une faux, est souvent sculpté sur les ossuaires. La tradition veut qu'il erre la nuit sur un chariot grinçant. Si l'on en perçoit le bruit ou, pire, si on le rencontre, c'est signe que la mort est prochaine.

     

    La plage de Trégastel est célèbre pour son sable fin et ses rochers fantasmagoriques. (Stephan Gladieu/Le Figaro Magazine)
    La plage de Trégastel est célèbre pour son sable fin et ses rochers fantasmagoriques. (Stephan Gladieu/Le Figaro Magazine)

     

    Cet Ankou si diabolique rôde tout autour de l'une des plus belles cathédrales bretonnes, Saint-Tugdual, à Tréguier, la capitale historique du Trégor. C'est là que reposent Jean V de Bretagne et saint Yves, le saint patron des Bretons... et des avocats. Yves, comme Mon frère Yves, de Pierre Loti qui a si bien raconté la ville voisine de Paimpol. Juste à côté de Saint-Tugdual se dresse la maison natale d'un autre écrivain majeur, Ernest Renan.

    Aujourd'hui, la capitale économique du Trégor se nomme Lannion, avec ses superbes maisons à colombages, mais aussi son technopôle particulièrement inventif en matière de nouvelles technologies. Tout près de là, à Pleumeur-Bodou, le radôme a permis la première liaison par satellite entre la France et les Etats-Unis. Le général de Gaulle y avait fait pour l'occasion le déplacement. En étoile tout au long de cette immense localité qu'est Pleumeur, on retrouve les joyaux du Trégor : Trébeurden, L'Ile-Grande, Trégastel, Ploumanac'h, Perros-Guirec, Port-Blanc, Penvénan et Plougrescant. Et, au large, les Sept-Iles qui protègent la côte de leur bienveillance. J'aimais rendre visite aux gardiens du phare de l'île aux Moines, comme à ceux des Triagoz, du temps où ils n'étaient pas encore automatisés. C'est de cette hauteur-là, à une altitude d'albatros, qu'il faut contempler au loin grèves et landes, lutins et korrigans. Et s'il vous plaît, ne restez pas incrédules. On est en Bretagne, le pays de la mer. Et celui de la fin de la terre.

    Vient de publier La Bretagne vue par Patrick Poivre d'Arvor (Hugo et Compagnie, 320 p., 200 photos, 25 €).

    LES BONNES ADRESSES DE PATRICK POIVRE D'ARVOR

    Boire un verre

    Au bar de l'hôtel Le Beauséjour, qui surplombe la plage de Trégastel. Des hôtes accueillants dans un décor soigné qui fait la part belle aux choses de la mer (maquettes de bateaux et de phares, scaphandrier, filets, bouées...).5, plage du Coz-Pors, Trégastel 02.96.23.88.02).

    Se promener

    Le sentier des douaniers, inaccessible en voiture, permet de découvrir, aux environs de Ploumanac'h, entre Trégastel et Perros-Guirec, des panoramas à couper le souffle... et la maison de Gustave Eiffel, encore habitée par sa famille aujourd'hui.

    Ecouter de la musique

    A l'entrée de Trégastel, le café-concert Toucouleur est un bar qui accueille presque tous les soirs (à l'heure de l'apéritif, puis tard dans la soirée) des groupes ou orchestres de musique celtique (irlandaise et bretonne en particulier). Magnifique ambiance on peut aussi danser.118, rue Poul-Palud, Tourony, Trégastel (02.96.23.46.26).

    Déjeuner ou dîner

    La Suite, à la pointe ouest de la plage de Trestraou, à Perros-Guirec. Dans un cadre chic mais décontracté, un restaurant raffiné avec une terrasse protégée des embruns et une salle à manger bénéficiant d'une magnifique vue sur la baie et les Sept-Iles.Plage de Trestraou, Perros-Guirec 02.96.49.09.34).

    Dormir

    Manoir de Lan Kerellec, vieille demeure familiale, lieu magique et authentique avec la charpente de sa salle à manger en forme de carène de bateau et des chambres qui s'ouvrent sur une vue unique: les îles faisant face à Trébeurden. Allée centrale de Lan Kerellec, Trébeurden (02.96.15.00.00).